Découvrez l’entretien avec Ag Apolloni, auteur de « Une lueur d’espoir, une lueur d’étincelle »
UNE LUEUR D'ESPOIR, UNE LUEUR D'ETINCELLE
Résumé du livre :
Ce docu-roman parle de la violence du régime serbe, des expulsions et incendies, du nettoyage ethnique, de l’intervention militaire de l’OTAN, des personnes disparues, d’un manuscrit perdu et d’une tragédie retrouvée, du poids de l’attente et de l’importance de l’espoir.
- Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire le livre « Une lueur d’espoir, une lueur d’étincelle » ?
– L’impulsion pour écrire ce roman est venue d’une invitation à visiter, à Gjakova, une femme ayant perdu son mari et ses fils pendant la guerre. Lors de cette visite, alors qu’elle racontait sa tragédie, j’ai compris que tout ce qu’elle voulait, au-delà d’un mince espoir de revoir l’un des siens, c’était que le monde comprenne l’injustice qu’elle avait subie, qu’il sache quels enfants merveilleux elle avait eus et que sa famille ne soit pas oubliée. Quand nous l’avons rencontrée, cela faisait vingt ans qu’elle racontait chaque jour son histoire aux visiteurs. J’ai pensé qu’un jour cette histoire, si bouleversante, risquait de disparaître, et j’ai donc décidé de l’écrire pour l’aider à la faire vivre à jamais.
Par ailleurs, je gardais en mémoire un autre cas tragique : il y a de nombreuses années, une femme de Gjakova, quelques années après la guerre, s’est immolée par le feu juste après qu’on lui ait rendu les restes de ses deux fils disparus — un acte de douleur insoutenable face à leur meurtre et leur incinération.
2. Dans ce livre, vous abordez des thèmes lourds et existentiels. Comment avez-vous réussi à équilibrer la douleur et l’espoir dans le récit ?
– C’est un roman sur la douleur. Ce n’est pas simplement un récit de tragédies, mais aussi une réflexion sur elles. C’est une manière de montrer comment les mythes se recyclent et se re-sémantisent à travers les siècles. Les deux mères de Gjakova sont des mythes modernes de l’espoir et de la révolte, nés d’une douleur immense, résonance des mythes anciens. Je pense que la mère qui attend depuis plus de vingt ans est un personnage beckettien, tandis que celle qui se révolte et s’immole est camusienne.
Comment ai-je équilibré l’histoire ? Peut-être parce que je connais bien l’absurde et que j’ai beaucoup appris de Camus.
- Pouvez-vous nous en dire plus sur votre processus créatif pour ce livre ? En quoi diffère-t-il de vos précédents ouvrages ?
– Étant donné que c’est mon seul roman documentaire, ou docuroman comme disent les Français, j’ai dû, en plus de structurer le récit et d’en soigner le style, effectuer des recherches dans les archives, rassembler et sélectionner des faits et des destins, sans jamais m’éloigner des vérités tragiques. Je pense que ce roman, en tant qu’élégie, développe chez le lecteur une empathie, ce qui est aujourd’hui très nécessaire, à une époque où les gens — et donc les États — se montrent de plus en plus apathiques les uns envers les autres.
4. Comment le livre a-t-il été accueilli par les lecteurs et les critiques ? Y a-t-il eu une réaction qui vous a particulièrement touché ?
– Ce roman a été bien accueilli par les lecteurs et les critiques. C’est l’un de mes romans les plus appréciés, et jusqu’à présent, le plus traduit. Une critique m’a particulièrement marquée : Mieke Bal, que j’ai rencontrée à Amsterdam, m’a dit qu’elle l’avait lu deux fois et qu’elle envisageait d’en faire un film documentaire. Elle m’a demandé comment j’avais pu écrire quelque chose d’aussi douloureux. Je sais qu’elle connaissait déjà la réponse, alors j’ai pris cette question comme une interrogation rhétorique.
- Travaillez-vous actuellement sur un nouveau projet littéraire ?
– Les écrivains sont toujours en train de penser et d’écrire. Et ils se préoccupent toujours davantage des œuvres qu’ils sont en train d’écrire ou qu’ils écriront, que de celles qu’ils ont déjà écrites. Seules les interviews comme celle-ci les obligent à se replonger dans leurs anciennes œuvres. Et c’est une bonne chose que les interviews portent sur ce que nous avons écrit, et non sur ce que nous allons écrire, car cela les rend plus sincères.
Ag Apolloni
La Nuit de la Littérature
Samedi 24 mai 2025 – 19:00 h
Goethe-Institut, Paris 16e
Une lueur d’espoir, une lueur d’étincelle
Roman traduit par Sébastien Gricourt
– Éditions Fauves
